Valentin Lassaussois & l'Atelier : À l'heure de l'horlogerie française

Quand as-tu commencé à t’intéresser au monde de l’horlogerie ?

 

Je suis né d’un père horloger. J’ai toujours baigné dans cet univers mais mon intérêt s’est véritablement développé lors de mon adolescence. C’est à cette période que j’ai commencé à m’intéresser au secteur horloger et surtout à en comprendre les enjeux. Depuis tout petit, j’étais passionné par la mécanique automobile et j’ai toujours apprécié le parallèle entre l’automobile et les montres. L’une de mes premières montres a été une BRM. Cette marque a été créée par un ancien pilote automobile qui avait à cœur de faire résonner ce lien entre deux univers passionnants. Dès que des éditions spéciales avec des voitures étaient dévoilées, je les considérais comme le top du top de l’horlogerie.

 

Au-delà d’une passion, qu’est ce qui t’as donné envie de te consacrer à l’horlogerie et d’en faire ton métier ?

 

J’ai toujours su que je travaillerai avec mes mains et c’était essentiel pour moi de rester sur une approche mécanique. J’avais donc finalement le choix entre la mécanique de précision et la mécanique que l’on retrouve par exemple dans le monde automobile. C’est assez naturellement que je me suis orienté vers la mécanique de précision qui faisait écho à ma passion pour l’horlogerie.

 

Qu’est ce qui t’as poussé à rejoindre l’entreprise familiale ?

 

L’envie de créer quelque chose en famille et de développer ce qui avait déjà été amorcé par mon père, de l’entretenir et de prendre part, à mon tour, à cette entreprise familiale. C’était important pour moi d’avoir réellement une plus-value à apporter et de gagner en confiance et en valeur ajoutée avant d’intégrer le groupe. C’est pour cette raison que j’ai fait mes armes auprès d’autres Maisons horlogères.

J’ai réalisé différents stages, au sein de la Manufacture suisse Breitling par exemple. J’ai bien aimé leur outillage et je ne parle pas uniquement d’outils pour les réparations mais aussi beaucoup d’outils informatiques, d’optimisation, de gestion qui m’ont semblé très aboutis et qui permettent d’arriver à une manière de travailler très efficace. J’ai également travaillé chez François Paul Journe et j’y ai découvert un très haut niveau de finition notamment sur la décoration des mouvements que je trouvais vraiment exceptionnelle. C’est une approche du produit très particulière car on prend le temps de faire les choses à fond pour arriver à un résultat de très haute qualité sans se laisser impacter par le rendement ou la quantité de production. C’est ce qui définit une marque haut de gamme.

 

À la sortie de l’école, j’ai travaillé en Angleterre pour TAG Heuer. Nous étions plutôt sur une logique d’efficacité et c’était très intéressant de découvrir le fonctionnement d’un atelier conséquent, composé d’une vingtaine d’horlogers. Enfin, la plus grande partie de ma jeune carrière si j’ose dire, s’est déroulée chez Audemars Piguet au service après-vente de Besançon pendant presque trois ans. J’ai eu l’occasion d’apprendre sur des mouvements haut de gamme et de collaborer avec un chef d’atelier qui me faisait confiance et qui m’a permis de voir pleins de mouvements, de techniques et de modèles différents. Au-delà d’être intéressante, cette expérience a été très formatrice.

 

Parle-nous de ton rôle chez Les Montres Collector.

 

Je m’occupe de contrôler les pièces avant qu’elles soient mise en vente. Cela consiste à contrôler l’authenticité et le fonctionnement des montres qui arrivent et éventuellement à les entretenir. J’assure la garantie après-vente d’un an pour tous les modèles que nous proposons chez Collector.

 

Comment définirais-tu ta collection en quelques mots ?

 

J’ai envie de dire iconique car ce mot illustre ce qui me plaît fondamentalement dans l’horlogerie à savoir, l’histoire derrière les montres et la manière dont certains modèles ont révolutionné l’histoire des Manufactures. Je pense notamment à la Chronomat qui a joué un rôle fondamental pour Breitling et qui est, encore à ce jour, l’un de ses plus grands succès. Je possède également des montres françaises. Je pense par exemple à une BRM qui illustre le potentiel des jeunes Maisons horlogères qui proposent déjà des choses intéressantes et inattendues. Ce qui compte particulièrement pour moi c’est que les modèles de ma collection s’inscrivent dans une histoire, c’est pour cette raison qu’en un mot je dirai iconique.

 

Parle-nous d’une montre qui t’as particulièrement marquée et d’un mouvement que tu admires.

 

Au regard de l’engouement qu’il y a autour de cette montre et de sa popularité actuelle, mon choix pourrait paraître cliché mais je dirai la Royal Oak. Pour avoir beaucoup travaillé sur cette montre, je suis conscient du travail exceptionnel de polissage qui est réalisé. C’est une véritable boule à facettes avec des angles, des faces et des chanfreins qui lui permettent de renvoyer énormément de lumière. C’est vraiment différent de ce que l’on a l’habitude de voir et malgré son grand succès, on ne se rend pas toujours compte de l’excellence de la réalisation. Le mouvement que j’aime particulièrement est le 1861 de Frédéric Piguet. Au fil du temps, beaucoup l’ont exploité. C’est la base du flyback de Blancpain, on le retrouve également sur les anciennes Speedmaster automatiques de la Manufacture OMEGA, chez Audemars Piguet, Jaeger-LeCoultre et même Cartier. C’est un calibre difficile à appréhender la première fois qu’on le manipule mais quand on commence à le connaître, on se rend vite compte que c’est un mouvement très bien pensé et assez haut de gamme. Il peut se montrer un peu capricieux mais j’ai vraiment aimé travailler dessus. J’aurai pu citer le mouvement 7750 mais je trouve qu’il ne possède pas la même fibre horlogère.

 

Que penses-tu des horlogers indépendants ?

 

J’essaye de suivre car tout avance très vite en ce moment. Je trouve que nous assistons à un nouvel élan de l’horlogerie indépendante et je trouve ça super. Même les passionnés ne connaissent pas forcément bien ce milieu et ça montre bien que les horlogers indépendants ont réellement quelque chose à apporter. Ils possèdent une liberté de création et une immense estime pour les choses très bien finies. J’admire cette détermination à créer quelque chose de très poussé et très haut de gamme comme pourrait le faire Trilobe. Parmi les indépendants, certains se considèrent investi d’une mission pour préserver l’horlogerie traditionnelle et je trouve ça super. Ils défendent l’idée d’une horlogerie à l’ancienne où tout est réalisé à la main. On voit beaucoup de marques naître, tirer leur épingle du jeu et je trouve que ça participe à créer un beau paysage horloger avec des possibilités infinies pour s’éclater lorsque l’on est collectionneur. C’est une belle richesse et je trouve ça bien que des gens osent créer des marques horlogères et ne pas laisser uniquement le monopole à de grands groupes suisses ou de luxe.

 

À ton avis, comment les Manufactures historiques arrivent à perdurer sur le paysage horloger ?

 

Je pense qu’il y a deux stratégies. Tout d’abord, perpétuer les iconiques et c’est un véritable challenge. Il faut réussir à moderniser des produits identitaires sans les dénaturer. Je pense que c’est un risque et que les Manufactures marchent toujours sur un fil en repensant leurs modèles iconiques. Ensuite et plus généralement, c’est trouver la manière de se réinventer et certains y parviennent indéniablement mieux que d’autres. Certaines Maisons telles que Breguet mériteraient de s’aventurer plus loin, de créer des choses folles et je trouve ça dommage que ce potentiel ne soit pas pleinement exploité. À contrario, je suis ravi de voir que des Maisons comme Breitling ont trouvé la bonne recette et sont parvenu à retravailler et surtout simplifier leur collection. Je trouve qu’ils ont opé pour une approche très juste et preuve en est, c’est une franche réussite.

 

Comment vois-tu l’avenir de l’horlogerie et à quoi peut-on s’attendre ?

 

J’aimerai bien que l’avenir de l’horlogerie soit français. Que ce soit au niveau de la fabrication, de l’industrie ou même du retail, on observe un vrai dynamisme sur le marché français notamment au regard des indépendants qui ont à cœur de créer des ateliers français, voir parisiens. Selon moi, l’action se déroule de plus en plus en France et ça me ferait assez plaisir que l’horlogerie poursuive ce virage. 

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